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L'épigénétique, ou l'art d'influencer sa génétique

Toute forme de vie est l'expression d'une information à la fois génétique et épigénétique. Dans cet article, on fait le point sur cette discipline dite de l'épigénétique, tout en t'apportant des conseils pour influencer positivement tes gènes et vivre plus longtemps en meilleure santé.
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L'épigénétique, ou l'art d'influencer sa génétique

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Bien qu'Aristote ait mentionné l'épigénèse dans l'Antiquité et que le généticien anglais Conrad Waddington en ait parlé en 1942, les premières publications scientifiques dans ce domaine remontent aux années 1970, avec une importance croissante dans les années 2000. Le préfixe épi dans épigénétique signifie "autour" ou "au-delà" en grec, littéralement "autour des gènes" ou "au-delà des gènes". Ainsi, pour Joël de Rosnay, l'un des plus éminents spécialistes de l'épigénétique, "l'épigénétique est certainement l'une des découvertes les plus importantes de ces vingt dernières années dans le domaine de la biologie."

Le bras et la main d'une personne contre le ciel

Nous sommes bien plus que nos gènes

Au-delà de la génétique, il existe des changements dans l'expression des gènes qui n'impliquent pas de mutation génétique ou d'altération du code génétique. L'organisme est toujours construit à partir de ses gènes, mais l'activité de ces gènes peut être modulée. Ainsi, des cellules génétiquement identiques ont un destin différent et peuvent devenir muscle, os, peau, cerveau, sang, graisse, neurone, foie, etc., non pas en fonction de leurs gènes, mais en fonction de leur environnement, du milieu de culture dans lequel elles se sont divisées.

C'est cet épigénome (au-delà du génome) que l'épigénétique étudie. Elle étudie comment notre patrimoine génétique peut être modifié, perturbé, transformé par un certain nombre de facteurs internes et externes, et ce dès les premières secondes de notre conception jusqu'aux dernières secondes de notre vie. L'épigénétique dément donc en partie la "fatalité" des gènes. Bruce Lipton, biologiste et auteur du livre "The Biology of Belief", l'explique très bien. Selon lui, 1% des maladies aujourd'hui sont directement liées aux gènes, et plus de 90% des maladies sont dues à notre mode de vie, au stress, au fait que nous vivons dans des environnements très stressants. Physiologiquement, cela se traduit par des sécrétions élevées de cortisol et de cytokines, qui affaiblissent notre système immunitaire.

Le stress affecte profondément notre système immunitaire et notre vitalité. Et donc, au final, 90% des maladies n'ont rien à voir avec un défaut de notre biologie. La science reconnaît que les gènes et l'ADN ne contrôlent pas notre biologie interne. (Dans cette ancienne vision plutôt déterministe de l'ère du "tout ADN", les chercheurs pensaient que les gènes pouvaient tout expliquer, de nos traits physiques à notre comportement en passant par les maladies qui nous guettent), ils reconnaissent aujourd'hui que les gènes eux-mêmes sont contrôlés par l'environnement, et plus précisément par notre perception de l'environnement. Bruce Lipton parle même de notre conscience et de la façon dont nous percevons la vie et réagissons au monde, pour lui c'est ce qui contrôle les gènes.

Ainsi, avec la nouvelle approche épigénétique, les choses sont présentées différemment : l'environnement et la façon dont nous réagissons à cet environnement sont ce qui contrôle nos gènes. Cela nous ramène à la sphère de la responsabilité et du pouvoir personnels, du pouvoir d'agir.

D'une manière générale, les chercheurs ont désormais admis que notre génétique est responsable d'environ 15% de notre santé ou de notre état de maladie, et que les facteurs épigénétiques sont responsables de 85% de ce même état de santé ou de maladie . Cela nous permet de réaliser à quel point l'épigénétique joue un rôle crucial dans la compréhension du développement de certaines maladies. Et cela nous permet de comprendre l'influence que nous pouvons avoir sur notre santé.

Silhouette d'une personne dans la nature

L'impact de notre environnement et de notre mode de vie

Bien que les processus par lesquels l'exposition environnementale (température, exposition aux polluants et aux perturbateurs endocriniens, disponibilité des nutriments, habitudes de vie, tabagisme, alcool, stress, environnement social et émotionnel, etc.) perturbe l'épigénome ne soient pas encore totalement compris et documentés, on sait que de nombreux facteurs exercent une influence positive ou négative sur les gènes.

En ce qui concerne l'alimentation, il a été prouvé que ce que nous mangeons nous rend plus ou moins vulnérables à certains cancers et maladies. En fonction de sa quantité et de sa qualité, l'alimentation peut clairement modifier le comportement des gènes. Et ces changements peuvent ensuite être transmis de génération en génération.

Le stress est, sans aucun doute, l'une des influences les plus négatives sur nos gènes et donc sur notre santé et notre vitalité. Il est vécu de différentes manières : nous pouvons ressentir du stress parce que les choses ne vont pas bien au travail, ou parce que nous n'avons pas d'emploi, parce que notre relation amoureuse ne fonctionne pas bien, ou parce que nous n'avons pas les moyens de vivre comme nous le voudrions, etc.

Il est donc important de comprendre que l'épigénome peut être modifié à la fois par des facteurs positifs, comme des relations constructives et des opportunités d'apprentissage par exemple, et par des facteurs négatifs, comme toutes les substances toxiques auxquelles nous sommes exposés ou les situations stressantes. Tout cela laisse une "signature" épigénétique distincte sur les gènes, qui peut être temporaire ou permanente, affectant la capacité des gènes à être exprimés, inhibés ou modulés. Une perturbation des processus épigénétiques peut entraîner un large éventail de maladies. De telles perturbations ont été observées non seulement dans le cancer, mais aussi dans des maladies neurodégénératives comme la maladie d'Alzheimer ou de Parkinson, dans des maladies cardiovasculaires, dans des maladies métaboliques comme le diabète de type 2 et l'obésité (dont la prévalence explose dans le monde), dans des maladies mentales comme la schizophrénie ou les troubles bipolaires et la dépression. Les chercheurs commencent même à relier l'épigénétique à diverses dépendances, addictions et troubles du comportement. Mais selon des études récentes, il est possible d'inverser certains des changements perçus comme négatifs, certaines des perturbations, et de rétablir un fonctionnement correct.

Agrumes et grenade

Comment pouvons-nous influencer positivement notre génétique, pour vivre plus longtemps et en meilleure santé ?

Au-delà des perspectives thérapeutiques et médicales à grande échelle, il est possible et même recommandé, chacun à son niveau personnel et individuel, de faire ce que nous pouvons pour influencer positivement notre génétique. Optimiser les paramètres suivants nous donne le pouvoir de vivre en meilleure forme et plus longtemps.

1. Régime alimentaire

Nous savons que l'alimentation joue un rôle important dans l'expression de nos gènes. Mais quel est le régime alimentaire qui permettra d'optimiser notre potentiel ? Si l'alimentation doit être personnalisée et individualisée en fonction de chaque personne (car nous n'avons pas tous la même constitution, les mêmes conditions, le même tempérament... mais nous n'avons pas non plus les mêmes faiblesses métaboliques, organiques, enzymatiques ou digestives), il n'en reste pas moins qu'il existe quelques grandes tendances qu'il est important de suivre si l'on vise la pleine santé. L'alimentation doit être la plus vivante possible, antioxydante et anti-inflammatoire, avec des aliments chargés en vitamines, minéraux, oligo-éléments, antioxydants, qui vont lutter contre l'hyperméthylation (modification) de l'ADN. Ainsi, les crudités, les crucifères, les noix, les graines, les légumineuses, les poissons gras, les fruits de mer, les algues, les œufs, la levure nutritionnelle, certains super aliments comme le cacao, ou encore certaines épices comme le curcuma, sont des aliments à privilégier. A l'inverse, il vaut mieux réduire voire supprimer les aliments industriels et (ultra-) transformés, certaines graisses saturées, les produits laitiers industriels, les céréales raffinées et surtout les sucres qui, par un phénomène de glycation, vont entraîner une inflammation généralisée.

2. Activité physique

Une activité physique régulière peut également avoir une influence positive sur notre génétique; elle est même essentielle. Plus nous utilisons notre corps, plus il se développe et mieux il fonctionne. Moins on l'utilise, plus il s'atrophie. L'idée est donc de faire bouger son corps le plus souvent possible pour qu'il reste au mieux de sa forme. Une activité physique quotidienne d'au moins 30 à 45 minutes est recommandée et permet d'optimiser l'expression de ses gènes, de stimuler l'immunité, de réduire l'inflammation et le stress oxydatif. L'idéal est de pratiquer quotidiennement un entraînement par intervalles à haute intensité et des étirements/du yoga et de la marche. À chacun de trouver ce qui lui convient et ce qu'il aime, mais une chose est sûre : quel que soit votre âge, votre niveau de forme physique, votre niveau d'énergie... il n'est jamais trop tard pour commencer.

3. Régulation du système nerveux et du niveau de stress

Nous savons que le stress, surtout lorsqu'il devient chronique, et le manque de repos/sommeil épuisent d'abord le système nerveux. Or, le système nerveux contrôle et active la plupart des fonctions de l'organisme. Nous essayons donc d'obtenir un équilibre relatif de notre système nerveux autonome, composé de sa branche dite sympathique ou orthosympathique (celle qui contrôle l'action) et de sa branche dite parasympathique (celle qui contrôle le repos, le sommeil, la régénération et la réparation du corps). Lorsqu'il y a un déséquilibre du système nerveux en faveur de la branche orthosympathique, il s'ensuit une cascade d'effets physiologiques négatifs : sécrétion d'une trop grande quantité de cortisol, inflammation de bas grade, baisse de l'immunité, diminution de la production d'endorphines, de sérotonine, de dopamine, d'ocytocine, raidissement des artères, etc.

Dans les environnements très stressants dans lesquels nous vivons, il est donc important de s'adonner à des activités qui stimulent la branche parasympathique de notre système nerveux: être dans la nature le plus souvent possible, se ressourcer dans les éléments, faire du yoga, du tai chi ou du qi-gong, de la méditation, des exercices respiratoires spécifiques (pranayamas, breathwork, Wim Hof), bien dormir, rire, chanter, lire un bon livre, etc. Toutes ces activités réduisent le stress oxydatif, l'inflammation, la sécrétion de cortisol tandis qu'elles augmentent la dopamine, la sérotonine, l'immunité et influencent positivement l'expression de nombreux gènes, notamment ceux ayant une activité anti-inflammatoire. Là encore, c'est à chacun de trouver ce qui lui fait du bien et lui permet de se régénérer.

4.Les relations humaines et l'environnement social

L'étude des zones bleues, les fameuses quelques zones bleues de la planète qui ont toutes en commun d'être des régions à forte population de centenaires en excellente santé, a montré l'importance des interactions sociales et du tissu social dans lequel nous évoluons. Nous sommes des êtres sociaux, avec des besoins d'interaction à différents niveaux. Il est important d'honorer ces besoins et de s'associer à des personnes positives, optimistes et heureuses qui nous donnent de l'énergie. Cela active nos bons gènes. En revanche, les relations sociales toxiques ont une influence négative sur notre immunité, notre stress oxydatif... tout comme l'absence d'activité physique, le tabagisme et l'alcool ou une mauvaise alimentation.

5. Le plaisir et la satisfaction que nous retirons de notre propre vie

Toutes les émotions et sensations perçues comme positives ou agréables influencent positivement nos gènes. Prendre du plaisir dans sa vie quotidienne est donc tout aussi important que de manger correctement ou de faire du sport : un moment convivial entre amis ou en famille, un bon petit plat qui nourrit tous les sens, un bain de soleil, la découverte et l'apprentissage de nouvelles choses, un voyage, un moment de connexion dans la nature... Mettre la conscience, l'attention, et être pleinement dans le moment présent permet de renforcer leur puissance. Bien se connaître, ressentir de la gratitude et de la satisfaction pour ce que l'on est et ce que l'on a déjà, s'engager sur un chemin de vie épanouissant pour soi... sont autant d'éléments qui influencent positivement l'expression de nombreux gènes.

6. Reprogrammer nos pensées et nos croyances

La physique quantique affirme que nos perceptions de la vie déterminent les caractéristiques de notre vie. En biologie, c'est la base de ce que l'on appelle les effets placebo et nocebo. Avec l'effet placebo, d'une certaine manière, la personne se guérit elle-même en guérissant sa conscience. Avant de prendre le médicament, il se croit malade ; une fois que le médecin a prescrit le remède, le patient croit le médecin et se dit que tout va bien et qu'il va guérir. La réalité de l'effet placebo est simplement que la conscience de cette personne est devenue très positive. Jusqu'à 2/3 des guérisons en médecine sont liées à l'effet placebo. C'est très important car cela signifie que la pensée positive entraîne une physiologie, une biologie et une santé positives.

Mais alors, quelles sont les conséquences des pensées négatives ? Elles sont tout aussi puissantes pour contrôler notre vie que les pensées positives, mais elles ne nous conduisent pas à la santé... bien au contraire. C'est ce qu'on appelle l'effet nocebo en médecine. Elles peuvent provoquer presque toutes les maladies. Les pensées ou croyances négatives limitatives, qui sont prédominantes chez la plupart d'entre nous, nous affaiblissent avec la même puissance avec laquelle les pensées et croyances positives peuvent nous guérir.

Nous devons donc nous reprogrammer pour avoir des pensées et des croyances positives. C'est tout un processus de déconditionnement et de reprogrammation qui peut se faire par le biais de différentes techniques: l'auto-hypnose, la répétition d'un nouveau comportement qui va créer un programme qui va manifester ce comportement (comme lorsque nous apprenons à conduire ou à jouer d'un instrument), la psychologie énergétique telle que préconisée par Bruce Lipton, etc...

Femme courant sur la plage

En résumé et pour conclure

Les découvertes en épigénétique représentent un changement de paradigme important par rapport à l'approche "tout génétique" de la fin du XXe siècle.

On sait désormais que les marques épigénétiques, contrairement aux altérations génétiques de l'ADN (sur lesquelles on ne peut guère agir), sont potentiellement réversibles, ce qui en fait des cibles thérapeutiques aux enjeux considérables pour la médecine et la santé publique. La recherche pharmaceutique dans ce domaine se concentre sur ce que l'on appelle les épidrogues et les épimédicaments.

85% de notre fonctionnement est dû à l'épigénétique contre 15% à la génétique.

Plusieurs études ont montré que certaines altérations épigénétiques sont transmises aux générations suivantes (jusqu'à deux, voire trois générations plus tard). On ne peut donc plus considérer que l'on remet le compteur à zéro quand on a des enfants, et penser que notre propre mode de vie n'a aucune influence sur eux. Ils hériteront clairement d'une partie de notre épigénétique, en plus de notre génétique.

En écoutant nos besoins profonds, les messages de notre corps, en adoptant un rythme de vie plus physiologique et plus adapté à notre nature, en donnant à notre corps une nourriture adéquate (aliments, pensées, émotions, etc.), nous avons le pouvoir de réguler l'activité de nos gènes en facilitant ou en empêchant leur expression.

L'épigénétique fait donc partie de notre quotidien, et nous avons, grâce à elle, un très grand pouvoir sur notre vie et notre santé.

Références / Informations complémentaires

  • Interviews et publications de Joël de Rosnay, scientifique français, ancien chercheur et enseignant au MIT, ancien directeur des applications de la recherche à l'Institut Pasteur, auteur de La symphonie du vivant, comment l'épigénétique va changer notre vie (Ed. Les Liens qui Libèrent)
  • Interviews de Bruce Lipton, biologiste cellulaire, pionnier de la nouvelle science épigénétique, auteur de The Biology of Belief (Ed. Ariane Publications)
  • Publications scientifiques d'Ariane Giacobino, chercheur et médecin assistant au Département de médecine génétique des Hôpitaux universitaires de Genève, auteur de Peut-on se libérer de ses gènes ? L'épigénétique (Ed. Stock).
  • Interviews et publications scientifiques d'Edith Heard, généticienne spécialiste de l'épigénétique, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire "épigénétique et mémoire cellulaire".
  • Publications de Jonathan Weitzman, directeur du Centre d'épigénétique et du destin cellulaire (Université Paris-Diderot-CNRS)
  • Articles par Isabelle Mansuy, professeur de neuroépigénétique à la faculté de médecine de l'Université de Zurich
  • Publications de Vincent Colot, spécialiste en épigénétique végétale à l'Institut de biologie de l'Ecole normale supérieure (ENS-CNRS-Inserm, Paris).

Langue originale : Français

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